Message céleste

1. Origines


Juillet 2217

Le regard triste et éteint, Aven observait, le cœur serré, le firmament constellé de milliers d'étoiles. C'était une nuit limpide et sans lune, la sphère céleste offrait un magnifique spectacle. Aven vit une gigantesque barre laiteuse irrégulière traverser la Voie Lactée. Les étoiles scintillaient. Parmi ces constellations, Aven espérait déceler un signe qui témoignerait de la présence de Fenella, sa tendre bien-aimée. Elle se trouvait quelque part dans la Galaxie depuis déjà une dizaine d'années. Aven espérait son retour du plus profond de son âme. Son départ avait provoqué une terrible déchirure qui, à ce jour, ne s'était toujours pas refermée.
Le jeune homme errait seul, comme une âme en peine, dans ce monde de désolation. La population de la planète Terre représentait en ce vingt-troisième siècle une goutte d'eau dans un océan. Les terribles catastrophes naturelles de ces deux derniers siècles avaient décimé la race humaine. Les survivants étaient, pour la plupart, rassemblés par groupes de trois ou quatre individus, qui partaient à la conquête d'un monde meilleur, et espéraient rencontrer d'autres rescapés comme eux. Ils luttaient pour vivre et devaient tout reconstruire, les technologies des siècles derniers ayant été détruites. Certains s'en sortaient bien : c'était le cas d'Aven qui avait réussi à bâtir un dôme souterrain dans lequel il vivait désormais depuis quatre ans. Grâce à ses capacités intellectuelles exceptionnelles, le jeune homme avait su maîtriser les caprices de la planète. En dépit des maigres ressources à sa disposition, il s'était constitué une myriade d'appareils utilitaires rendant son quotidien plus facile à gérer.
En ce soir de Juillet 2217, il méditait tranquillement sur sa terrasse protégée par une immense baie vitrée et scrutait le ciel à la recherche de sa bien-aimée. Son regard fut attiré par l'étoile du Berger. En l'observant, Aven songea que Fenella s'y trouvait peut-être. Cela faisait dix ans qu'il ne l'avait pas revue.
Il se remémora ce jour de mai 2207 lorsque le peuple galien lui avait brutalement arraché l'être qui lui était le plus cher au monde. Il avait vu le visage pâle de Fenella se sillonner de larmes aussi grosses que des gouttes de rosée. Les galiens avaient saisi fermement la jeune femme par les bras et lui avaient ordonné de les suivre sans discuter. Fenella avait tourné la tête en direction d'Aven, totalement abattue. À la vue de son air si désemparé, Le cœur d'Aven s'était déchiré. Ses yeux habituellement malicieux n'exprimaient plus que désarroi, et son visage angélique avait laissé place à la douleur et l'affliction. Aven ressentait toute la souffrance de Fenella. Elle lui avait transmis ses émotions par la pensée. Leur amour était si fort que Fenella et Aven communiquaient principalement par télépathie. Cette capacité avait permis à Aven de ne pas sombrer après la séparation physique de sa bien-aimée. Aujourd'hui, il souffrait de ne pas pouvoir la serrer dans ses bras, et de ne plus entendre le timbre mélodieux de sa voix. Les messages télépathiques que lui envoyaient Fenella étaient son seul réconfort. La reverrait-il un jour ?
Ses pensées se tournèrent vers le peuple galien, responsable de cette séparation douloureuse. Depuis plus d'un siècle, les galiens se battaient sans pitié pour s'approprier les planètes découvertes au vingt-deuxième siècle par d'autres peuples. Cette civilisation voulait s'imposer dans l'univers, et était prête à tout pour dominer la Galaxie, mais elle avait besoin d'êtres humains pour perpétuer son espèce, et surtout, d'êtres dotés d'une intelligence exceptionnelle. Ce qui les intéressait chez Fenella était son jeune âge et sa spécialisation en astrophysique. C'était une scientifique de haut niveau qui faisait preuve d'une finesse d'esprit en matière d'analyses des données et d'interprétation des résultats. Elle décrivait les processus régissant la vie des comètes, des étoiles et des galaxies avec une extrême précision, qui faisaient d'elle une chercheuse inestimable. Les galiens l'avaient emmenée de force, elle et quelques uns de ses collaborateurs, afin de tirer profit d'eux.
Le peuple galien était d'origine extra-terrestre. Comme la Terre, leur planète se mourait, car ils avaient exploité à l'extrême les ressources nécessaires à leur survie. Et à l'image des terriens, il étaient à la conquête de nouvelles planètes. S'approprier les découvertes des terriens leur ferait gagner un temps précieux. Les terriens s'étaient montrés courtois à l'égard des galiens, malgré tout ces derniers ne voulaient pas entendre parler d'une collaboration. Ils se refusaient à partager quoi que ce soit, étant convaincus qu'il n'y aurait pas assez de ressources pour deux espèces. Ils étaient en revanche prêts à exploiter les terriens pour le bien de leur peuple. Les galiens représentaient par conséquent un peuple froid sans scrupules. Ils ne faisaient preuve d'aucun sentiment, agissant uniquement par instinct, celui de la survie de leur espèce.
L'estomac d'Aven se noua à l'idée de savoir sa bien-aimée prisonnière de ces êtres sans pitié. Il avait appris il y a quelques années que Fenella avait été victime de sévices et d'expérimentations. Le jeune homme crut l'avoir définitivement perdue, quand les messages télépathiques cessèrent : son esprit était resté vide comme si la jeune femme n'avait plus existé. Puis un jour, il avait entendu Fenella l'implorer de l'aider. Aven s'était senti impuissant face à cette voix plaintive. Il n'avait aucun moyen de savoir où se trouvait Fenella, et surtout aucune navette pour la rejoindre. Les galiens avaient réquisitionné tout matériel utile aux terriens, et en particulier les moyens de transport. Ils cherchaient simplement à s'assurer qu'ils détenaient le monopole et qu'ils étaient les seuls à pouvoir voyager dans l'espace.

Avec lassitude, Aven quitta son poste d'observation et rejoignit sa demeure. Il se plongea dans une intense méditation. Fenella avait tenté de communiquer avec lui le mois dernier, mais Aven n'en avait pas saisi le message. Il avait senti qu'elle voulait lui transmettre quelque chose d'important. Il espérait ce soir entrer en contact avec elle. Finalement, il somnola et se remémora les instants de bonheur partagés avec elle une quinzaine d'années plus tôt...


 

 

 

 

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