Pulsions meurtrières

Pulsions meurtrières est un thriller.

Voici un extrait du chapitre 18

Soir de la Saint-Sylvestre

    Laura Polet, malgré des années de souffrance et de maladie, était à 58 ans, une femme encore séduisante. Tout était harmonie en elle : la coupe de ses cheveux coupés au carré, ses yeux noisette pétillant de vie, le dessin de son menton légèrement relevé, ses fossettes arrondies et son teint bronzé.

    Lorsque son mari avait disparu dans des circonstances inexpliquées et que ses deux enfants s'étaient retrouvés impliqués dans un homicide, elle avait décidé de quitter Strasbourg pour laisser derrière elle ce sombre passé et se rebâtir une nouvelle existence qui l'éloignerait de cet enfer dans lequel elle avait vécu durant des années en silence.

    Cela ferait dix ans en janvier prochain qu'elle avait fait la connaissance d'un charmant médecin, Paul Polet, qui l'avait soigné quelques années plus tôt d'une tumeur au sein. Une fois qu'elle fut en phase de rémission et totalement remise de sa maladie, il lui avait proposé de l'épouser, demande qu'elle eût immédiatement acceptée. Elle s'était précipitée dans ses bras et l'avait couvert de baisers, ivre de bonheur. Elle vivait depuis ce moment un conte de fée dans sa résidence de Nice, une charmante maison en bois de deux étages bâtis dans un quartier de haut standing dont les habitants étaient la plupart de hauts cadres. Elle s'était constituée au fil des années un cercle d'amies qu'elle invitait régulièrement pour prendre une tasse de thé à l'anglaise.

    De son union avec Paul naquit Maxime, un adorable bambin, qui avait fêté ses cinq ans le vingt-huit décembre. C'était le garçon le plus adorable que toute maman rêvait d'avoir. Il était serviable et docile, toujours souriant et très affectueux. Il était à l'opposé de ce qu'avait été Christian au même âge : caractériel et coléreux, un éternel insatisfait sous l'emprise de sautes d'humeur. Elle avait du mal à imaginer qu'elle ait pu élever un tel enfant durant tant d'années ! Au fil des ans, Christian s'était montré de plus en plus exécrable et toujours soutenu par Rosalind qui n'avait d'yeux que pour lui. Il était si différent de son adorable Maxime qui lui témoignait respect et amour. Comment avait-elle pu supporter un petit garnement tel que Christian ? C'était impensable ! songea-t-elle en regardant les images défiler sur l'écran de télévision. Elle était aujourd'hui au comble du bonheur avec cet enfant qu'elle chérissait plus que tout.

 

    Tout aurait été parfait pour terminer cette année si elle n'était pas tombée par hasard sur un avis de recherche qu'elle avait remarqué sur la vitrine de l'épicerie du coin. Elle avait immédiatement reconnu Rosalind, sa fille adoptive, qu'elle n'avait jamais revue depuis son internement à Elsau. La savoir en liberté lui fit froid dans le dos. Comme Christian, c'était une enfant déséquilibrée qu'elle et Will avaient adoptée à la suite de traumatismes sexuels auxquels l'avaient soumises ses parents naturels. À l'âge de deux ans, elle était une enfant ravagée par ces abominations et par la cruauté d'adultes irresponsables. Elle et Will pensaient agir pour son bien en l'adoptant, mais ils constatèrent rapidement qu'elle ne faisait aucun progrès et se renfermait sur elle-même jour après jour au point d'entrer dans un profond mutisme. Contrairement à Christian, elle ne quittait que rarement le domicile familial et se rattachait à Christian de façon excessive, l'étouffant et l'empêchant de mener sa propre existence. Elle le couvait comme une mère poule. Christian avait beau tout faire pour faire plaisir à sa sœur, elle n'en avait jamais assez. « Le pauvre petit ! » se dit Laura. Il ne pouvait pas se douter un instant que Rosalind était sa véritable mère et encore moins savoir que son père avait abusé de sa propre sœur. Comment aurait-elle pu lui expliquer cela ? Il aurait tué son père sur le champ. Laura n'imaginait pas une seconde que ce qu'elle ressassait en ce moment même était la stricte vérité, aussi cruelle puisse-t-elle être.

     Pensive, elle contempla la photo de ses deux premiers enfants qu'elle avait mise en évidence sur la cheminée du salon. En dépit de leur comportement hors du commun, elle les avait aimés, mais elle redoutait le jour où elle les reverrait. Elle savait au plus profond d'elle-même que ces retrouvailles seraient inévitables. Elle ne savait pas comment elle réagirait s'ils se retrouvaient face à elle en ce moment précis. Ressentirait-elle de la joie ou de la peur ?

    Laura s'apprêtait à éteindre le poste de télévision quand elle entendit le journaliste de France 2 prononcer le nom de Strasbourg. Elle rétablit le son et vit défiler des images de cette forêt dont la vision lui causa un choc. Il ne restait quasiment rien de ce qu'elle avait connu jadis. Elle était en partie déboisée et seuls de rares arbres tendaient çà et là leurs branches dégarnies vers le ciel de plomb. Elle vit qu'un lotissement, constitué d'habitations prestigieuses, avait remplacé les vieux arbres centenaires. Le reporter présent sur les lieux annonçait, d'un ton tragique, qu'un nouveau corps avait été découvert ce matin même et qu'il s'agirait peut-être d'un dénommé Will Duncan, porté disparu une vingtaine d'années plus tôt.

    À l'annonce de cette nouvelle, Laura lâcha sa tasse de thé qui se fracassa sur le sol en petits morceaux. Son visage coloré prit soudain une pâleur mortelle. Elle n'en croyait pas ses oreilles. Comment Will, son ex-mari, était-il arrivé dans cette forêt ? C'était inconcevable ! Elle appuya sur le bouton du volume pour écouter tout ce que le reporter avait à dire tandis que, terrifiée par cette nouvelle, les battements de son cœur se répercutaient jusqu'à ses tempes en coups de marteaux brefs et durs. Elle apprit que c'était le troisième corps découvert en l'espace de vingt-quatre heures à la suite d’un témoignage fait par une jeune femme qui refusait pour le moment de décliner son identité. L'affaire était désormais entre les mains d'Interpol, expliquait le journaliste, et il faudrait attendre que les fêtes de fin d'année soient terminées pour obtenir de nouvelles d'informations. Il rappela que les deux corps retrouvés la veille étaient le corps de deux adolescentes d'une quinzaine d'années.

 

pulsions meurtrières 

  • Aucune note. Soyez le premier à attribuer une note !

Ajouter un commentaire

 
×