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Meurtres à la Pépinière

Extrait du chapitre 16

16. Branle-bas de combat à la Pépinière
Ce mercredi matin, en dépit de la fermeture du parc au public, la Pépinière bourdonnait d'activité. L'équipe qui encadrait le commissaire Forestier s'était rendue très tôt sur les lieux du crime afin de mobiliser tout le personnel et l'interroger dans l'espoir de trouver des indices qui éclaireraient l'enquête. En parallèle, un mur de journalistes s'était formé devant les grilles en attente d'une autorisation d'entrer afin d'interroger les employés du parc et avoir leur avis sur cette affaire. Quand il purent enfin accéder à la Pépinière, les chroniqueurs se ruèrent dans les grandes allées et suivirent les policiers qui les dirigèrent vers les lieux du crime. En attente d'informations croustillantes, ils espéraient faire la une des journaux et écrire l'article révolutionnaire de l'année. 
C'est ainsi que Laura, Alexa et Sylvain étaient sous l'emprise de tout ce petit monde qui les accaparait et les empêchait de travailler. Les animaux étaient particulièrement agités et énervés. Les macaques criaient en se jetant d'une branche à une autre, les chèvres bêlaient en courant d'un bout de l'enclos à l'autre, tandis que les daims et les chevreuils bramaient en se mettant sous les arbres à l'abri des regards. Même les oiseaux poussaient des cris stridents : les canards cancanaient à tue-tête et crachaient à l'approche des humains. Les deux uniques chevaux, qui étaient d'ordinaire très calmes, sentaient toute cette agitation autour d'eux et poussaient des hennissements qui perçaient les tympans de ceux qui se trouvaient à proximité.
Alexa ne savait plus quoi faire pour les tranquilliser et aurait donné n'importe quoi pour que cette foule indiscrète quitte les lieux. Mais c'était tout le contraire. Des voitures de police allaient et venaient en faisant fonctionner leurs sirènes et les journalistes s'affairaient autour des enclos et en profitaient pour prendre des photos alors qu'ils étaient uniquement ici afin de s'informer des deux meurtres commis près de la Roseraie.
L'un des journalistes, un homme élancé de grande taille et à la démarche sûre, s'approcha d'Alexa, un sourire chaleureux éclairant son visage aux traits fins. Il devait avoir une toute petite quarantaine. Il tendit la main vers Alexa qui lui répondit par un sourire forcé.

— Bonjour, je suis Florent Vermion, journaliste à l'Est Républicain. Auriez-vous un instant à m'accorder ?

Alexa ne répondit pas immédiatement, inquiète pour ses animaux, de plus en plus perturbés par les bruits de sirènes, de haut-parleurs et des cris que poussaient les différentes équipes venues enquêter dans le parc. Les bêtes étaient pourtant habituées au bruit et à la foule, mais comme les hommes, elles percevaient tout ce branle-bas de combat peu coutumier. En outre la plupart avait eu leur repas en retard, ce qui n'avait fait qu'augmenter leur irritation.

— Seulement quelques minutes alors, finit par dire Alexa sans grand enthousiasme.

— Et si nous allions nous asseoir à la buvette ? Nous serons plus tranquilles pour discuter.

Alexa poussa un soupir. Elle n'avait vraiment pas de temps à perdre avec un tête-à-tête.

— Que voulez-vous savoir au juste ? soupira-t-elle, méfiante.

— Ne soyez pas sur la défensive, je n'ai pas l'intention de monopoliser tout votre temps. Je vois bien que vous avez fort à faire avec tout ce monde effrayé. Mais si vous préférez, nous pouvons nous parler plus tard, rien ne presse... quand vous aurez fini votre travail ici.

L'inconnu se montrait si attentionné à son égard qu'Alexa n'eut pas le cœur de refuser sa proposition. Il ne se comportait pas comme tous ces journalistes qui ne cherchaient qu'à vous mettre le grappin dessus. Sans oublier qu'il avait un sourire charmant et qu'il était très agréable à regarder avec sa chevelure brune soigneusement balayée en arrière. Seules quelques mèches retombaient sur son front haut. Cet homme était séduisant. Son visage aux traits délicats et son regard noisette lui conféraient une certaine sensibilité qui n'était pas pour lui déplaire.

— Dans ce cas, je n'ai rien contre, approuva Alexa plus conciliante. Mais je risque d'être très occupée toute la journée.

— Ce soir autour d'un verre dans l'un des bars de la place Stanislas ? Et c'est moi qui réglerai la note.

— Entendu pour ce soir. Nous disons 19 heures dans le café à côté du marchand de souvenirs ?

— Cela me convient.

Le journaliste allait faire demi-tour quand son regard s'attarda sur l'enclos des chèvres.

— Les chèvres sont les animaux de ferme que je préfère. J'aime beaucoup leur yeux expressifs. Me permettriez-vous que je fasse quelques photos pour illustrer un article ?

Alexa poussa un éclat de rire.

— Sur les chèvres ?

— Pas seulement sur elles, corrigea Florent Vermion, mais sur l'ensemble des animaux du parc.

— Pourquoi pas ! répondit-elle, amusée. Un peu de publicité nous ne fera pas de mal en ces temps où le parc est devenu le lieu privilégié des criminels.

— Merci beaucoup ! fit-il ravi.

« Ce journaliste est étonnant ! » se dit Alexa. Modeste, sans  aucune prétention, et encore moins hypocrite. Il n'agissait pas comme ceux de sa profession. Il avait en outre la même opinion qu'elle sur les chèvres. Quelle coïncidence amusante ! Elle le regarda bombarder à coups de flash l'enclos des chèvres, puis celui des lapins et des cochons d'inde sortis de leurs maisonnettes pour profiter des quelques rayons du soleil qui réchauffaient l'atmosphère. Elle le vit ensuite se rendre près des macaques qui l'observèrent, intrigués, et arrêtèrent momentanément de pousser leurs cris stridents. Enfin, il se dirigea vers le territoire des oiseaux et Florent Vermion eut la chance de photographier un paon qui déployait ses ailes. Il fit encore quelques clichés des deux chevaux et s'en approcha pour leur murmurer quelque chose à l'oreille qui, apparemment, les apaisa. Alexa haussa un sourcil, étonnée par l'effet de cet homme sur les animaux. Il l'intriguait. La jeune femme avait hâte d'être à ce rendez-vous afin de mieux le connaître. Quand le journaliste eut terminé ses photos, se sentant observé, il se retourna et la salua d'un signe de la main. Alexa, si absorbée par lui, ne s'aperçut pas de la présence de Laura derrière elle et sursauta quand elle l'entendit murmurer :

— Alors, ma vieille, tu as l'air subjuguée par ce type. Ça fait un quart d'heure que je t'observe et tu ne l'as pas lâché d'une semelle.

Alexa rougit malgré elle, mais refusa d'avouer que le chroniqueur lui plaisait. Elle prétexta une excuse pour justifier son comportement.

— Je me méfie toujours des journalistes, et celui-là encore plus que les autres.

— Si tu le dis ! se moqua Laura.
 

Meurtres a la pepiniere couverture

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